« No Voice », Alexandre Mitchell, 2024 (50 x 70 cm, encre de Chine)

Le 14 octobre 2023 restera dans les mémoires des aborigènes australiens et de leurs sympathisants comme l’un des jours les plus sombres de l’histoire de l’Australie. Après le référendum de 1967, il s’agissait du référendum le plus important de l’histoire australienne, demandant aux citoyens de modifier la Constitution et de reconnaître les aborigènes australiens en établissant une voix pour les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres. Le résultat final fut un « non » à 61 %.

Il est choquant de constater que presque personne en dehors de l’Australie n’a été informé de ce résultat scandaleux. Il a été noyé dans le bruit des énormes et violentes manifestations en faveur de la cause palestinienne à travers le monde entier, y compris dans les principales villes d’Australie. Ces manifestations furent organisées deux jours après le massacre de civils israéliens par le Hamas, le 7 octobre 2023. En fait, c’était comme si rien n’avait d’importance en Australie à part un conflit qui se déroulait à quelque 12 000 km de là.

La voix des aborigènes australiens a été étouffée alors qu’ils vivent dans le même pays depuis 50 000 ans et qu’ils souhaitent vivre en harmonie et en réconciliation avec les descendants de leurs colonisateurs, car eux, ont véritablement été colonisés. Les actualités ont montré un grand nombre de manifestants en colère, criant des slogans haineux dans toutes les grandes villes australiennes. En revanche, les aborigènes australiens recherchent la réconciliation ou, du moins, le faisaient jusqu’à ce référendum. Ils croient au changement et à la coexistence et ont tant à offrir au monde, avec une très longue histoire culturelle et des systèmes de croyance complexes dont nous commençons à peine à saisir la nature.

Certains aborigènes australiens ont voté non, probablement parce qu’ils estimaient que cette législation était un leurre au regard de ce qu’ils estimaient mériter, mais la plupart des aborigènes australiens ont voté oui (83 %), car ils considéraient cette législation comme un tremplin pour leur reconnaissance et pour commencer à rédiger des traités adéquats, reconnaissant leur perte, leurs terres volées et leurs histoire violée. C’était l’occasion de repartir sur de nouvelles bases.

Voici quelques extraits de l’extraordinaire « Uluru statement from the heart » (texte intégral) prononcé lors de la Convention constitutionnelle nationale de 2017 : comment les Australiens non autochtones ont-ils pu voter « Non » après avoir lu ce texte ? C’est incompréhensible.

Nos tribus aborigènes et insulaires du détroit de Torres ont été les premières Nations souveraines du continent australien et de ses îles adjacentes, et l’ont possédé selon nos propres lois et coutumes il y a plus de 60 000 ans. (…) Nous cherchons des réformes constitutionnelles pour donner du pouvoir à notre peuple et prendre une place légitime dans notre propre pays. Lorsque nous serons maîtres de notre destin, nos enfants s’épanouiront. Ils marcheront dans deux mondes et leur culture sera un cadeau pour leur pays. (…) Nous demandons la création d’une voix des Premières Nations inscrite dans la Constitution. (…) Nous vous invitons à marcher avec nous dans un mouvement du peuple australien pour un avenir meilleur.

Le résultat de ce référendum a montré au monde entier que les Australiens ne sont pas si décontractés ni si accueillants. C’est un rappel brutal de l’histoire sombre de l’Australie et du long chemin à parcourir pour réellement vivre ensemble dans une société culturellement fracturée.

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